POLITIQUES PUBLIQUES | Rétrospective de la session d'été 2023
Au cours des trois dernières semaines, les parlementaires ont débattu d'une multitude d'affaires. Prenez donc 5 minutes pour vous pencher sur les dossiers les plus pertinents pour les prestataires de services en faveur des personnes ayant besoin de soutien, dossiers qui ont été traités au Palais fédéral et que nous avons sélectionnés pour vous.
La politique est-elle compliquée?
Avec le OUI au NON à la solution du consentement, le Conseil national s’aligne sur le Conseil des États dans le cadre de la révision du droit pénal en matière sexuelle. Dans ce cadre, le OUI au principe du consentement présumé sauf en cas de sidération (pétrification) ne constitue pas, en termes de contenu, un NON absolu au principe du consentement explicite. En effet, l’inclusion d’un état de choc possible en situation de viol présente de fortes similitudes avec le principe «Seul un OUI est un OUI». Les deux chambres ont dû se contenter de ce compromis, l’une parce qu’elle ne souhaitait pas abandonner sa position et l’autre parce qu’avec le OUI au NON, elle a obtenu un OUI empreint de pragmatisme au «Seul un OUI est un OUI». Il n’est pas toujours malvenu d’être compliqué. Quoi qu’il en soit, le renforcement de la protection contre les violences sexuelles doit être salué, également en ce qu’elle concerne aussi les personnes ayant besoin de soutien.
23.3222 Mo. Carobbio / Crevoisier «Stratégie nationale en matière d’accompagnement et de logement dans les domaines de la Vieillesse et du Handicap»
Cette motion est un véritable condensé des évolutions sociales de ces dernières années. Elle met l’accent sur des thématiques comme la prise en charge et l’accompagnement, le renforcement de l’auto-détermination ou encore le maintien de l’autonomie et l’adaptation des prestations d’assistance indépendamment de critères comme l’âge ou le handicap. Elle cherche à adopter une approche globale en mandatant le Conseil fédéral afin qu’il élabore une stratégie nationale en matière d’accompagnement et de logement dans les domaines de la vieillesse et du handicap en tenant compte des aspects sanitaires et sociaux pertinents. Le Conseil des États s’est cependant inscrit en faux en rejetant la motion, qui ne sera dès lors pas traitée par le Conseil des États. Une motion semblable de Christine Bulliard-Marbach est néanmoins encore pendante au Conseil national.
21.3715 Mo. Glanzmann «Programme d’impulsion pour prévenir la violence sur les personnes âgées»
La violence et les mauvais traitements infligés à des personnes âgées sont encore et toujours un tabou. Entre 300’000 et 500’000 personnes âgées sont chaque année concernées par la violence, les mauvais traitements ou la négligence. Il est nécessaire et urgent de proposer un travail de sensibilisation. Cette urgence se trouve renforcée par l’évolution démographique et la pénurie de personnel qualifié. Dans le cadre d’un processus préalable mené en 2022, Confédération et cantons se sont accordés sur un concept commun de programme d’impulsion qui a rencontré l’assentiment des conférences intercantonales CDAS, CDS et CCDJP. Le Conseil fédéral en a malgré tout décidé autrement et ne souhaite pas réaliser de programme. Un mandat du Parlement est par conséquent nécessaire. Le Conseil national a maintenant exprimé son accord. La balle est désormais dans le camp du Conseil des États.
22.071 Conseil fédéral «Code pénal et droit pénal des mineurs. Modification»
Parmi les adaptations du code pénal actuellement discutées au Parlement se trouve notamment la possibilité d’interner les jeunes auteurs d’infractions. Or, aux yeux d’ARTISTE, il serait particulièrement problématique d’ordonner l’internement de jeunes après exécution d’une peine pénale, car il est dans leur cas malaisé d’établir un pronostic de délinquance fiable. Leur développement encore en cours interfère fortement avec les troubles dont ils souffrent. Le risque de les voir commettre de graves actes de délinquance demeure difficile à déterminer alors qu’à leur âge, ils peuvent encore évoluer dans diverses directions. Or leur internement précoce et durable remettrait fortement en question leur possibilité d’évoluer positivement. Le Conseil des États n’a pas partagé ces considérations et a approuvé le projet du Conseil fédéral pour l’inclusion d’un article correspondant dans le Code pénal. C’est maintenant au Conseil national de corriger cette décision.
20.3374 Mo. Gugger «Protéger efficacement les moins de 16 ans contre la pornographie sur Internet. #banporn4kids#»
La pornographie n’est pas anodine. Les contenus pornographiques peuvent en effet déstabiliser les mineurs et leur porter préjudice. À l’heure actuelle, leur disponibilité sur Internet n’est pas suffisamment limitée. Du point de vue d’ARTISET, la prévention par la promotion des compétences médiatiques des jeunes est importante, mais elle ne remplace pas des mesures de protection concrètes. Après le Conseil national, le Conseil des États a maintenant également adhéré à cette position et a adopté la motion.
23.3080 Ip. Wehrli «Mesures pour améliorer les conditions de travail dans les soins»
Au début de l’année, dans le cadre de la mise en œuvre de la deuxième étape de l’initiative sur les soins infirmiers , le Conseil fédéral a présenté des mesures visant à améliorer les conditions de travail dans le domaine de la santé. Dans ce cadre, il a cependant été fait l’impasse sur cette réalité que, sans financement supplémentaire, une amélioration des conditions de travail n’était guère envisageable pour les fournisseurs de prestations. Laurent Wehrli, co-président d’ARTISET, s’est donc inquiété de savoir comment il était possible de couvrir les besoins financiers plus élevés résultant de l’amélioration des conditions de travail. Dans sa réponse à cette interpellation, le Conseil fédéral a maintenant déclaré partager l’avis selon lequel des mesures conséquentes sont importantes pour améliorer les conditions de travail dans le domaine des soins et pour empêcher les professionnel·le·s concerné·e·s de quitter prématurément la profession. Dans le même élan, il a cependant également indiqué ne voir aucune possibilité de participer financièrement à ces mesures et voulu passer la patate chaude à d’autres acteurs. Depuis lors, ces autres acteurs se sont également fait entendre: or, contrairement au Conseil fédéral, ils peuvent tout à fait concevoir un rôle actif de la Confédération (cf. communiqué de presse du 8 juin).
22.067 Conseil fédéral «Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration. Admission facilitée pour les étrangers titulaires d’un diplôme d’une haute école suisse»
L’anglais utilise la notion de «low hanging fruit» qui fait référence à une possibilité d’atteindre des succès ou des améliorations sensibles avec peu d’efforts. La modification de loi ici envisagée se rapproche fortement d’un tel «fruit sur la branche la plus basse». Sa mise en œuvre offrira aux ressortissant·e·s d’États tiers titulaires d’un diplôme suisse du degré tertiaire un accès plus simple et moins bureaucratique au marché du travail suisse. Bien qu’il ne s’agisse là que d’un nombre très limité de personnes (400 à 500 individus), il n’en faut pas moins saluer le fait que le Conseil des États a emboîté le pas au Conseil national afin de cueillir ce fruit qui atténuera la pénurie de personnel qualifié.
23.3496 Po. CSSS-CE «Bases légales et protection contre la discrimination lors du tri des patients et des patientes pour l’accès aux soins intensifs»
Pendant la pandémie de COVID-19, il a régulièrement été question d’un éventuel tri des patientes et patients en cas de traitement aux soins intensifs. Grâce à l’engagement des organisations de personnes en situation de handicap, l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) a revu ses directives afin d’éviter une discrimination manifeste envers les personnes en situation de handicap. Pourtant, les directives d’un aréopage en matière médicale ne sauraient remplacer des bases légales légitimées démocratiquement. Elles ne sont juridiquement pas contraignantes. De ce fait, la conseillère aux États Maya Graf avait déposé une motion en vue de la création de bases légales pour les décisions de tri. Mais pour le Conseil des États, tout cela va un peu vite en besogne. Il a par conséquent suivi une proposition de compromis de sa Commission de la santé publique et souhaité dans un premier temps clarifier les définitions possibles des dispositions légales.
22.3888 Mo. CSSS-CN «Pas de réduction de l’allocation pour impotent des enfants dont les parents supportent eux-mêmes les coûts d’un séjour en home»
Les offres de répit externes pour les enfants en situation de handicap répondent dans de nombreux cas à la définition d’un home. Or, si le séjour en institution est financé par les pouvoirs publics, le droit à une allocation pour impotent (API) pour les prestations concernées est alors supprimé. Mais si les frais sont à la charge des parents, les enfants conservent en revanche leur droit à une API. Ce qui est cohérent, dans la mesure où les parents financent l’accompagnement et peuvent utiliser l’API à cette fin. Il existe cependant depuis début 2021 une nouvelle pratique administrative selon laquelle l’API est réduite d’un quart lorsque le recours à des mesures d’allègement est financé par le ou la bénéficiaire lui ou elle-même. Ce point mérite d’être corrigé. Le Conseil fédéral et le Conseil national avaient reconnu le problème et approuvé la motion. Le Conseil des États leur a maintenant emboîté le pas et transmis la motion au Conseil fédéral pour qu’il la mette en œuvre. Plus rien ne s’oppose donc à une modification de la pratique.
22.3163 Mo Silberschmidt «Renforcement des compétences numériques chez les professionnels de la santé»
Les professionnels de la santé utilisent de plus en plus le dossier électronique du patient et les applications destinées à mesurer des données sanitaires. Ils passent un nombre croissant d’heures à accorder des consultations par vidéo. Il leur faut donc développer de nouvelles compétences. Une motion déposée par le conseiller national Andri Silberschmidt veut tenir compte de cette évolution et adapter leur formation initiale et continue. L’adoption de la motion par le Conseil national en septembre 2022 et à présent également par le Conseil des États est logique et s’inscrit dans une tendance marquée du Parlement à accorder plus de considération à la numérisation.
20.3770 Mo. Sauter «Introduction de l’ordonnance électronique»
Les interventions parlementaires en lien avec la numérisation sont de plus en plus nombreuses. Les parlementaires montrent en effet un intérêt marqué pour le sujet et l’exploitent assidument. La motion «Introduction de l’ordonnance électronique» de la conseillère nationale Regine Sauter s’inscrit dans ce fil. Regine Sauter y demande la création de bases légales pour permettre l’émission des ordonnances nédicales non seulement en format papier, mais aussi électronique. Tout comme le Conseil national une année auparavant, le Conseil des États a maintenant adopté la motion.
23.3132 Po. Noser «Revoir la réglementation de la TVA dans le domaine de la santé pour simplifier les règles, atteindre la neutralité concurrentielle et alléger la facture des assurés»
Avec la voix prépondérante de sa présidente, le Conseil des États a donné mandat au Conseil fédéral de vérifier s’il fallait abolir les exonération de la TVA existant dans le domaine de la santé. En contrepartie, les assureurs seraient autorisés à déduire l’impôt préalable sur les frais de traitement. La ministre des finances a indiqué que le Conseil fédéral était certes en principe favorable à la suppression des exclusions de l’impôt lorsque cela se révèle judicieux pour la systématique fiscale, mais que son enthousiasme demeurait en l’occurrence limité au vu de la diminution des recettes en l’espèce en jeu, qui pourraient atteindre jusqu'à 1,7 milliard de francs par année. Il n’est donc pas avéré qu’un changement de système serait en définitive moins coûteux pour les fournisseurs de prestations. Dès lors, le mandat de vérification confié au Conseil fédéral afin de faire la lumière sur ce sujet compliqué n’est sans doute pas une mauvaise solution. En dépit du peu d’enthousiasme de la ministre des finances à devoir vérifier ses calculs. – Cela étant, le Conseil national a ainsi aussi montré que tout n'est pas toujours bien synchronisé dans la Berne fédérale: quelques jours plus tard, il a dans un autre contexte décidé d'exonérer de la TVA les organisations d'aide et de soins à domicile (jusqu'à présent, cette mesure ne s'appliquait qu'à de telles organisations d'utilité publique; désormais, les organisations privées d'aide et de soins à domicile seront elles aussi exonérées). Ce faisant, le Conseil national se rangeait à une position du Conseil des États. Celui-là même qui, quelques jours auparavant, avait approuvé le postulat Noser. 😉
23.3048 Ip. De Quattro «Soutenir nos EMS»
«Pendant la pandémie, les EMS ont été livrés à eux-mêmes pour affronter les problèmes épidémiologiques, d’hygiène ou d’éthique. (…) De nombreuses institutions n’ont pas reçu le soutien nécessaire pour gérer la crise et mettre en œuvre les décisions prises par les autorités», a constaté la Conseillère nationale Jacqueline de Quattro dans une interpellation. Elle a par conséquent prié le Conseil fédéral d’indiquer quelles ont été les leçons tirées de la pandémie pour les établissements médico-sociaux et si des mesures ont été prises sur cette base. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a renvoyé à l’évaluation de la gestion de la crise du COVID-19 ainsi qu’auxaux recommandations élaborées pour la prévention et le contrôle des infections. Il présentera par ailleurs, au premier semestre 2024, son rapport en réponse aux postulats Gysi 20.3721 «Etablissements médicosociaux et foyers pour personnes handicapées. Il faut tirer les leçons de la crise du coronavirus» et Wehrli 20.3724 «La situation des personnes âgées dans Covid-19», rapport qui présentera de manière détaillée les défis pour les EMS et les réponses pouvant y être apportées.
23.3223 Mo. Carobbio / Herzog «Inscrire la prévention du harcèlement sexuel au travail dans la formation professionnelle de base et l’enseignement du degré secondaire II»
Le harcèlement sexuel au travail n’est pas acceptable. Ceci est également valable chez les prestataires de services en faveur de personnes ayant besoin de soutien, au service desquels de nombreuses femmes travaillent. Par conséquent, ARTISET a soutenu la motion : à ses yeux, il est sensé de vouloir informer et prévenir le harcèlement sexuel au travail déjà dans le cadre de la formation professionnelle de base. En demandant le rejet de la motion, le Conseil fédéral cependant pour sa part fait valoir que la lutte contre le harcèlement sexuel au travail était déjà abordée dans différents contextes de la formation professionnelle et que la motion enfonçait ainsi des portes ouvertes. Durant la présente session, le Conseil des États s’est rangé à son avis et a rejeté la motion.
22.4269 Mo. CPS-N «Regroupement immédiat du service civil et de la protection civile en une seule organisation au sein du DDPS»
De nombreux prestataires de services pour personnes ayant besoin de soutien comptent sur la contribution de personnes astreintes au service civil. Il serait à leur égard inapproprié de vouloir restreindre l’engagement de "civilistes". Ce serait pourtant là une conséquence inévitable du regroupement du service civil et de la protection civile. Or une réduction des prestations de soutien apportées par le service civil serait en contradiction avec le besoin croissant prévisible de prestations d’assistance complémentaires au quotidien dans le domaine de la santé et du social. Le Conseil national a heureusement reconnu la dimension du problème et refusé la motion de sa commission d’examen préalable. – Relevons en passant que le traitement de cette motion s’est déroulé presque simultanément avec une consultation sur une modification de loi prévoyant que les civilistes puissent devoir effectuer une partie de leurs heures de service dans des organisations de la protection civile sous-dotées en personnel. Un chevauchement tout à fait discutable sur le plan politique.
Pour conclure, un aperçu de deux interventions parlementaires qui doivent encore être traitées
23.3571 Mo. Gysi «Garantir un accès égalitaire aux prestations complémentaires à tous les retraités»
La motion demande la création d’une réglementation qui oblige les cantons à prendre l’initiative d’informer les bénéficiaires potentiels de prestations complémentaires de leur droit à ces prestations. En effet, un nombre trop élevé de personnes ayant droit aux prestations complémentaires ne font aujourd’hui pas valoir ce droit, que ce soit par ignorance ou par honte. LA motionnaire, Barbara Gysi, fait référence à une étude publiée récemment et cite un chiffre de 230’000 personnes de plus de 65 ans qui ne demandent aucune prestation complémentaire bien qu’elles y auraient droit. La motion a ainsi pour ambition d’épargner aux retraités concernés de devoir activement faire valoir leur droit et de garantir un seuil d’accès bas aux prestations complémentaires.
23.3167 Po. Hurni «Problèmes de coordination entre l’Al et l’AVS en matière de moyens auxiliaires: il est temps de mettre fin aux inégalités de traitement!»
Le conseiller national Baptiste Hurni souhaite que le Conseil fédéral procède à une analyse des problèmes de coordination persistants entre l’AI et l’AVS en matière de remboursement des moyens auxiliaires. So postulat demande en outre que soient esquissées des pistes pour corriger pareilles injustices. Les assuré·e·s s’y trouvent avant tout confronté·e·s lors du passage d’un régime à un autre. De nombreux moyens auxiliaires demeurent bien souvent nécessaires lorsque les assuré·e·s atteignent l’âge de la retraite et, par conséquent, le droit de bénéficier de l’AVS. En effet, hormis d’éventuelles situations de handicap résultant de la vieillesse, la plupart des invalidités compensées auparavant par l’AI continuent de nécessiter la même prise en charge. Le Conseil fédéral reconnaît l’existence d’imprécisions dans ce contexte et se déclare prêt à rédiger un rapport à ce sujet.
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