POLITIQUES PUBLIQUES | Rétrospective de la session de printemps 2023
Au cours des trois dernières semaines, les parlementaires ont débattu d'une multitude d'affaires. Prenez donc cinq minutes pour vous pencher sur les dossiers les plus pertinents pour les prestataires de services en faveur des personnes ayant besoin de soutien, dossiers qui ont été traités au Palais fédéral et que nous avons sélectionnés pour vous.
Des coûts parfois trop élevés, et parfois acceptables
Elle a été balayée, la pleine compensation du renchérissement pour les rentes AVS et AI. À l’automne dernier encore, les signes étaient favorables à cet objet. Cependant, certains conseillers et conseillères aux États du Centre se sont opposé·es à la proposition, qui tenait pourtant beaucoup à cœur au président de leur parti. Le consensus a commencé à s’effriter durant l’hiver, et, lors de la session de printemps, la proposition a définitivement succombé à l’argument massue des coûts. Ce dernier pèse également sur le sort d’autres objets présentés dans la présente rétrospective. Pour autant, le Parlement souhaite s’accorder, à lui, une compensation au renchérissement, ce qui n’est pas très finement joué, du moins sur le plan de la communication. Le Conseil des États ne s’est pas non plus montré favorable à la transparence des coûts pour les rapports de postulat. Il a ainsi suivi la recommandation de sa commission, qui avait mis en exergue le risque que les membres du Conseil s’autocensurent de peur d’être considérés comme des parlementaires «coûteux». Ils seraient ainsi dissuadés, pour des raisons de coûts, d’utiliser le postulat, un outil parlementaire important. «Or la démocratie n’est pas gratuite.» Une considération qui ne manque pas de sel.
21.403 Iv. pa. CSEC-N «Remplacer le financement de départ par une solution adaptée aux réalités actuelles»
Étonnés et réjouis, nous sommes satisfaits de l’état des délibérations concernant le remplacement d’un financement de départ prolongé à plusieurs reprises par un soutien durable, tel que prévu par le projet de loi fédérale sur les aides financières à l’accueil extra-familial des enfants. Le Conseil national s’est opposé à tous les projets de réduction des dépenses émanant de ses propres rangs et ne s’est pas non plus laissé impressionner par le rejet- catégorique du projet par le Conseil fédéral. Le soutien apporté en amont par le président de l’Union patronale y a certainement contribué: selon lui, , l’accueil extra-familial des enfants contribue de manière significative à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle et permet de lutter contre la pénurie de personnel qualifié. Outre des subventions fédérales, qui seraient destinées directement aux familles, le projet prévoit de garantir et d’améliorer la qualité de l’offre. Ce projet est susceptible de constituer un pas dans la bonne direction pour une prise en charge extra-familiale des enfants abordable et répondant aux besoins du marché du travail. Cela pour autant qu’il survive aux prochains débats. Profitons du moment présent, car l’argument massue des coûts est déjà en train de se profiler et occupera probablement le centre des discussions à venir. L’objet passe à présent au Conseil des États.
20.332 Iv. ct. Fribourg «Modèle fribourgeois d’assistance pharmaceutique dans les EMS»
Une convention signée en 2002 par les assureurs-maladie, les fournisseurs de prestations et le canton de Fribourg permettait aux EMS d’acheter des médicaments en grandes quantités. Les EMS n’étaient dès lors plus tenus d’acquérir et de facturer les médicaments de manière individuelle pour chaque résident·e et pouvaient le faire sur une base forfaitaire et à un coût nettement inférieur. Suite à l’entrée en vigueur de l’ordonnance sur la compensation des risques dans l’assurance-maladie, les assureurs n’ont toutefois plus voulu du modèle forfaitaire. Par le biais de son initiative, le canton de Fribourg souhaite introduire la faculté d’avoir recours à ce système forfaitaire, cela au niveau national. Le traitement de l’inmitaitive est à présent sur la bonne voie, car le Conseil national a suivi sa commission et accepté la proposition. ARTISET approuve cette décision, le modèle fribourgeois ayant fait ses preuves dans la pratique et permis de réduire les coûts. L’objet rest maintenant retourné au Conseil des États, qui l’avait rejeté en première lecture.
20.3050 Mo. Aebischer «Équivalence des diplômes de la formation professionnelle supérieure»
Le Conseil des États s’est prononcé sur une motion chargeant le Conseil fédéral de donner des noms «modernes» (Bachelor Professional et Master Professional) aux diplômes de la formation professionnelle supérieure afin de montrer que ceux-ci sont équivalents à d’autres diplômes de même niveau délivrés en Suisse ou à l’étranger. En soi, l’objectif de la motion, qui est de revaloriser la formation professionnelle supérieure, est à saluer. Néanmoins, la valeur des différents diplômes (examen professionnel fédéral, examen professionnel supérieur, école supérieure) sur le marché du travail varie beaucoup selon le branche professionnelle. Pour les domaines de la santé et du social, un nivellement des titres poserait problème car, selon certains scénarios de mise en œuvre, les diplômes d’un examen professionnel fédéral ou d’une école supérieure donneraient droit au même titre, «Bachelor Professional». L’introduction de nouvelles dénominations ne devrait donc être décidée qu’après une procédure de contrôle effectuée pour chaque branche. Il s’agit d’éviter que ces bonnes intentions aient un effet boomerang et sapent l’attrait des domaines de la santé et du social, déjà fortement touchés par la pénurie de personnel qualifié. Le Conseil des États n’a pas suivi sa commission, qui s’était prononcée à l’unanimité en faveur de la motion, et s’est à l’avis du Conseil fédéral. Celui-ci avait rejeté l’objet en évoquant les travaux en cours au sein du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). Désastre ou sage décision? Le SEFRI est désormais appelé à présenter des amorces de solution viables.
20.340 Iv. ct. Vaud «Faciliter la lutte contre le harcèlement sexuel dans le cadre du travail»
L’initiative demandait de modifier la loi sur l’égalité afin d’inscrire le harcèlement sexuel dans la liste des discriminations car pour ces dernières, l’allégement du fardeau de la preuve s’applique, mais ce n’est pas explicitement le cas pour le harcèlement sexuel. ARTISET a soutenu cette initiative: aux yeux de la fédération, la protection de l’intégrité psychique et physique des collaboratrices et collaborateurs est essentielle. Par le biais d’un allégement du fardeau de la preuve, la personne lésée devrait uniquement rendre vraisemblable la réalisation de cette discrimination. Le Conseil national a toutefois estimé que sont suffisantes les mesures de prévention contre le harcèlement sexuel que sont aujourd’hui déjà tenus de prendre les employeurs. La proposition est donc balayée.
20.454 Iv. pa. Piller Carrard «Lutte contre la pauvreté des enfants»
La pauvreté des enfants a des effets sur leur santé, leur vie sociale et leur formation. Elle affecte en fin de compte non seulement cette tranche de la population, mais aussi la société dans son ensemble. Elle pose la question de l’égalité des chances entre les enfants. Les prestations complémentaires pour familles qui existent déjà dans plusieurs cantons contribuent à soulager efficacement la pauvreté. Elles permettent en outre de réduire le recours à l’aide sociale des ménages comptant des enfants. ARTISET s’était montrée favorable à cette initiative. Le refus du Conseil national signe toutefois son enterrement définitif.
21.3294 Mo. Stöckli «Polymorbidité. Améliorer la qualité de la médication et la sécurité des patients en établissant et gérant des plans de médication»
La majorité des résident·es en EMS prennent plusieurs médicaments par jour. Or la polymédication présente un risque d’interactions médicamenteuses potentiellement graves, surtout pour les personnes atteintes de pathologies multiples. Il est donc surprenant que le recours aux plans de médication ne soit actuellement pas obligatoire. Ils constituent une mesure simple pour lutter contre les incidents médicamenteux indésirables. Intervenue au cours de la session, l’adoption de la motion par le Conseil des États représente un pas décisif vers l’utilisation systématique de plans de médication. Reste à voir si le Conseil national sera prêt à emboîter le pas franchi par le Conseil national.
20.3690 Mo. Feri «Modification indispensable de la norme pénale contre les désagréments causés à un enfant en le confrontant à un acte d’ordre sexuel»
Les dispositions pénales existantes ne permettent pas toujours de poursuivre les personnes accusées de harcèlement sexuel à l’encontre de mineur·e. La motionnaire demandait qu’en dépit des efforts actuellement entrepris en ce sens par le Parlement, il convient de réaffirmer l’importance de cette problématique dramatique: selon la motionnaire, il faut éviter que le harcèlement sexuel d’un enfant soit considéré comme une bagatelle anodine. Le Conseil des États ne s’est toutefois pas laissé convaincre. Dans son avis négatif, le Conseil fédéral avait indiqué que le Parlement prenait au sérieux le souci de la motionnaire, mais estimé qu’il valait mieux ne pas ouvrir maintenant un nouveau chantier en la matière. Le Conseil des États a partagé ce point de vue lors de la présente session. La notion, qui n’avait trouvé qu’une faible majorité au Conseil national, a maintenant été balayée.
Quelques objets qui n’ont pas encore été traités
22.4407 Po. Roduit «Un cadre d’action moderne pour la prise en charge extrafamiliale»
L’ordonnance sur le placement d’enfants (OPE) a pris de l’âge. Son adéquation doit être examinée à la lumière des exigences actuelles relatives au bien-être des enfants et des adolescent·es. Au vu de l’évolution de la société ces vingt dernières années, les lacunes de ce cadre juridique sont de plus en plus évidentes. En effet, l’OPE se fonde encore sur une logique d’offre et ne remplit pas sa véritable mission, qui est de tenir dûment compte de la perspective des enfants et des adolescent·es. YOUVITA salue expressément le postulat du conseiller national Benjamin Roduit, qui en demande le réexamen. Le Conseil fédéral recommande d’accepter le postulat, que le Conseil national examinera lors d’une prochaine session.
22.4385 Mo. Fehlmann-Rielle «Handicap mental. Pas de stérilisation sans accord de la personne concernée»
Une stérilisation représente une atteinte grave à la personnalité, c’est pourquoi elle nécessite le consentement de la personne concernée. Selon la loi sur la stérilisation, cela s’applique dans tous les cas pour les personnes capables de discernement. Ce principe vaut également pour celles étant sous curatelle de portée générale. Toutefois, s’il s’agit d’une personne considérée comme «durablement incapable de discernement», l’expression de sa volonté n’a qu’une valeur limitée. Une stérilisation décidée par des tiers est donc autorisée dans certaines conditions. Néanmoins, la stérilisation des personnes en situation de handicap sans leur consentement enfreint le droit à l’intégrité physique et psychique inscrit dans la CDPH, comme l’a indiqué le Comité de la CDPH l’année dernière dans son examen du rapport de la Suisse relatif au respect de la CDPH. Malgré cela, le Conseil fédéral a toutefois recommandé le rejet de la motion tout en indiquant que la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine était en train d’examiner les questions éthiques et juridiques liées à la stérilisation des personnes durablement incapables de discernement. Le Conseil national se penchera prochainement sur la motion.
22.4370 Ip. Stöckli «Piqûre de rappel pour le dossier électronique du patient»
Pour donner l’élan nécessaire à la diffusion du dossier électronique du patient (DEP), la Confédération entend prendre des mesures ciblées dans le cadre de deux révisions de la loi. L’interpellation du conseiller aux États Hans Stöckli concerne deux mesures qui permettraient d’accélérer le processus: les aides financières et l’obligation pour les fournisseurs de prestations médicales ambulatoires d’utiliser le DEP. Concernant les premières, le Conseil fédéral renvoie à la responsabilité des cantons, ce qui ne surprendra personne. Il incomberait donc à ceux-ci de prévoir à temps les bases légales nécessaires et les fonds requis pour l’obtention des aides financières fédérales. Quant à l’obligation faite aux fournisseurs de prestations ambulatoires d’utiliser le DEP, le Conseil fédéral ne souhaite pas l’introduire dans le cadre d’une révision partielle de la LAMal. Il estime qu’il est plus pertinent de l’examiner et de l’aborder dans le cadre de la révision totale de la LDEP actuellement programmée pour l’été 2023, ce qui permettrait de mieux coordonner les différentes mesures. Selon l’OFSP, ette révision totale de la LDEP devrait entrer en vigueur en 2027 au plus tôt, ce qui ne correspond pas tout à fait aux intentions de l’auteur d’accélérer la diffusion du DEP.
22.1071 Question Prezioso Batou «Covid long. Après les applaudissements, les licenciements?»
Le Conseil fédéral ne peut pas répondre à la question de savoir combien de personnes travaillant dans le domaine de la santé ont contracté une affection durable au COVID (COVID long). En effet, les cas d’affection post-COVID-19 ne sont pas recensés systématiquement. Cependant, dans l’ordonnance sur l’assurance-accidents, les maladies infectieuses liées à des «travaux dans les hôpitaux, les laboratoires, les instituts de recherche et des établissements analogues» sont répertoriées comme des affections dues à certains travaux. Si l’infection est principalement liée à l’exercice de la profession, il s’agit alors d’une maladie professionnelle. En 2020, les assureurs-accidents ont recensé environ 13’000 cas dus au COVID-19. Le Conseil fédéral a répondu à la conseillère nationale Prezioso Bartoud qu’il était impossible pour l’instant de se prononcer sur les conséquences à long terme du COVID-19, les données sur les prestations d’assurance pour une période suffisamment étendue faisant encore défaut. En 2021 et 2022, environ 1’800 personnes chaque année ont déposé une demande de prestations auprès de l’AI pour cause de COVID long. On ignore combien émanent de personnes exerçant en faveur de la santé publiques.
22.4314 Ip. Müller Damian «Garantir un système de santé de qualité»
De nombreux problèmes dans le domaine de la santé publique parviennent à la connaissance du grand public par le biais des médias (pénurie de personnel qualifié, problèmes d’approvisionnement en médicaments, lenteur de la numérisation, etc.). Par ailleurs, les personnes travaillant dans le secteur de la santé déplorent l’augmentation constante des charges administratives. Dans son interpellation, le conseiller aux États Damian Müller aborde de manière directe cette situation, qui a un impact sur la sécurité du système de santé: le Conseil fédéral «a-t-il l’intention de promouvoir la qualité de l’ensemble du système de santé ou poursuit-il une simple stratégie de réduction des coûts?» Le gouvernement a répondu assez sèchement: la stratégie de politique sanitaire (Santé2030) du Conseil fédéral se fonde sur les besoins de la population et sur sa perception d’une vie saine et de soins de qualité. Une stratégie globale est donc déjà en place. La qualité doit être améliorée et la hausse des coûts freinée en évitant aussi bien surabondance que pénurie de soins ainsi que des soins inappropriés. Un point c’est tout.
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