Si vous jetez un regard sur les entreprises d’intégration («les ateliers»), qu’est ce qui est, de votre point de vue, primordial pour améliorer la participation des employé·es en situation de handicap?
Pour mettre en œuvre de manière concrète les conditions d’une réelle participation au sein des entreprises, les personnes travaillant dans les entreprises d’intégration devraient pouvoir librement exprimer leur satisfaction, leurs revendications ou suggestions d’amélioration quant à leurs conditions de travail ou sur leur emploi à proprement parler.
Cette forme de participation, mise en exergue dans la CDPH et revendiquée par des personnes concernées, n’est pas innée. En effet, les employé·es n’ont pas toujours conscience de leur pouvoir d’action et de comment le mettre en œuvre et les employeurs n’ont pas toujours les outils pour favoriser une réelle participation.
Afin de changer de paradigme, le lieu de travail devrait sensibiliser ses employeurs et employé·es aux enjeux de la participation car, malgré les difficultés rencontrées, le développement de la participation collective au sein des entreprises est bénéfique. Comme l’indique ce témoignage d’Emmanuelle Raths, Responsable Help Desk et déléguée en emploi adapté à la Fondation Foyer-Handicap (GE): «Depuis janvier 2021, nous avons fait l’expérience d’un groupe de travail collaboratif issu des commissions du personnel – c’est-à-dire la commission du personnel et la commission des employé·es et des résident·es. Nous avons envie de continuer dans cette voie d'agir ensemble sans barrière de statut».
Concrètement, quels sont les principales difficultés pour les employé·es en situation de handicap?
Dans un premier temps les difficultés se situent au niveau de la prise de parole individuelle. Les personnes n’ont pas toujours conscience qu’elles peuvent communiquer leur avis sur le contexte professionnel dans lequel elles évoluent et qu’il est important de le faire. Ou alors, si elles souhaitent le faire, elles ne savent pas toujours comment faire entendre leur voix. Un bon moyen pour améliorer la prise de parole est la création de groupes, sous forme de commissions, où les personnes peuvent s’exprimer, partager des expériences communes et s’organiser pour défendre leurs droits.
Cependant, si les commissions ont plus de poids qu’une parole individuelle, elles suscitent d’autres types de difficultés, à savoir: comment un groupe s’organise et comment s’y faire une place.
Finalement, lorsqu’un groupe est créé, il s’agit de trouver un consensus sur les intérêts à défendre. Il faut savoir alors passer de ses propres intérêts à ceux des membres de la commission. Tous ces aspects, qu’il s’agisse de la prise de parole ou de l’organisation en collectif, nécessite un apprentissage auquel les personnes n’ont pas toujours accès.
Pour répondre à ces difficultés, quel est à votre avis la meilleure approche?
Pour répondre à ces problématiques une des principales solutions est de former des employé·es avec et sans handicap à ce que signifie participer et comment cela se concrétise (formes et niveaux de participation). C’est ce qui ressort notamment de la 3ème rencontre du réseau pour la participation en entreprise mis en place par INSOS dès 2019.
Des revendications claires ont été formulées par les personnes concernées: pouvoir disposer de formations faciles à comprendre pour apprendre à mieux communiquer, notamment obtenir une assistance technologique pour accéder aux formations sur PC ; sensibiliser l’ensemble du personnel aux conditions nécessaires pour permettre aux membres des commissions de donner leur avis car trop souvent le personnel d’accompagnement ne laisse pas parler les employé·es en situation de handicap lors des réunions.
Quelle formation idéale pour préparer les employé·es à défendre leurs intérêts dans un contexte collectif?
Il faut mettre l’accent à l’avenir sur des formations préparant les personnes à comprendre non seulement ce que participer veut dire, mais aussi à prendre confiance en elles pour oser prendre la parole et s’impliquer dans des groupes de décision. Il faut donc aussi des formations qui permettent d’apprendre à passer de son intérêt individuel à un intérêt collectif.
Il s’agit également de préparer les membres de la représentation du personnel aux problématiques que peut engendrer la mise en commun des intérêts et à la frustration car il faut du temps et donc de la patience pour que les choses bougent.
Les commissions en entreprise pouvant être mixtes il faut également inclure le personnel d’accompagnement dans le processus de formation.
Finalement, il faudrait que les formations abordent des thématiques correspondant à celles qui peuvent être traitées dans les commissions.
En quoi votre association ASA-Handicap mental peut-elle contribuer à la formation des employé·es avec handicap et du personnel d’accompagnement?
ASA-Handicap mental propose plusieurs formations (adresse à la fin de l’article) dont la spécificité est d’être co-animées par une formatrice et un co-formateur ou formatrice en situation de handicap. Ces formations s’adressent aussi bien aux personnes en situation de handicap qu’aux professionnel·es qui les accompagnent.
Chez ASA-Handicap mental, notre souci et notre force est de compter sur des formateurs et formatrices très attentifs à la méthodologie d’enseignement. En effet une chose est le savoir à dispenser, l’autre est de s’appuyer sur les mécanismes rendant possible son appropriation.
Suite aux recherches menées dans ce champ l’on sait que, pour permettre à une personne d’acquérir des connaissances, il faut partir de son savoir, façonné par ses représentations et expériences de vie. Dans cette optique, celle ou celui qui cherche à enseigner doit faire participer activement les apprenant·es à son cours pour les amener à prendre conscience de leur savoir et y rattacher l’objet d’enseignement. Raccrocher le contenu de la formation à ce que sait déjà l’étudiant·e est un principe pédagogique incontournable, qui requiert une posture de médiateur des connaissances plutôt que de transmetteur afin de favoriser un processus d’auto-construction.
Un second principe, qui a fait ses preuves et sur lequel ASA-Handicap mental s’appuie, est le rôle du groupe: dans les interactions entre pairs réside un haut pouvoir de co-enseignement, les savoir et réflexions des uns suscitant l’évolution du savoir et des représentations des autres. L’art de l’enseignant·e est alors de susciter les interactions entre participant·es pour stimuler la réflexion et favoriser le co-apprentissage.
Nous venons de voir des initiatives émergeant du milieu associatif, qui répondent en partie aux difficultés rencontrées par les employé·es dans les entreprises sociales. Pour aller plus loin dans cette démarche, comment soutenir au mieux la promotion et le développement des formations?
Plusieurs acteurs ont un rôle clé dans les enjeux liés à la formation, soit:
Anne-Sophie Kupper, responsable du programme Droits & Participation ASA-Handicap mental
Viviane Guerdan, référente scientifique et présidente d’honneur ASA-Handicap mental
Voici les formations proposées par ASA-HM pour les employé·es et le personnel d’accompagnement.
Créée pour développer les compétences des représentant·es d’un groupe de défense des intérêts et droits des personnes en situation de handicap.
Vous êtes intéressé·e par les formations ou avez des questions?
Contactez ASA-Handicap mental au 022 792 48 65 ou par mail à info@asahm.ch
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