Portrait Gaertnerei

INCLUSION PROFESSIONNELLE | Le respect et la patience aident beaucoup

30 juillet 2022 / Claudia Weiss
Sina Michael travaille comme jardinière et n’a aucun problème à se faire expliquer encore et encore les étapes des tâches qu’elle doit remplir. Pour elle, ce qui compte, c’est le ton sur lequel on les lui explique. Elle travaille avec soin et veut être traitée avec respect. Ce qui a pour effet de la faire travailler encore mieux.

Sina Michael passe le râteau avec énergie sur le gazon fraîchement scarifié, fait des va-et-vient presque rythmés et aligne des petits tas d’herbe sur les bordures. La jeune femme de 20 ans a l’air joyeuse, elle aime scarifier et tondre le gazon, contrairement au désherbage: «C’est trop difficile pour moi, je dois trop me concentrer.»

Mais, dans l’ensemble, elle aime beaucoup travailler au jardin, où elle peut se dépenser suffisamment à l’air libre.. Elle qui a le sport pour passion. Elle fait quatre à cinq entraînements de course à pied par semaine, en parallèle de nombreuses séances de musculation. En 2019, elle est même devenue championne suisse de 4000 mètres lors des championnats d'Europe de cross des moins de 18 ans.

La jeune femme, née en Érythrée, a un rythme un peu plus lent dans ses études. C’est en partie lié à la langue: lorsque Sina Michael est arrivée en Suisse, à 11 ans, elle ne parlait que le tigrigna et a dû commencer par se familiariser avec l’allemand, tant pour le parler que pour l’écrire. Raison pour laquelle elle a suivi, après sa scolarité obligatoire, une formation pratique FPra de jardinière au centre de formation Steinhölzli Bildungswege de Köniz, dans le canton de Berne. Elle a obtenu son diplôme à l’été 2020 et travaille depuis lors au sein du département jardinage d’une société immobilière d’Ostermundigen, près de Berne.

Voir les capacités plutôt que les manques

Son chef, Lorenz Krethlow, voit avant tout ses capacités, sa nature positive et entreprenante. Il tient simplement compte de ses manques, sans que cela soit un problème, et sélectionne ses collaborateurs et collaboratrices en fonction du respect mutuel qu’ils ou elles se manifestent, et donc également envers elle, en tant que collègue.

«Cela demande du tact et de la finesse dans les relations au quotidien.»

Pour lui, le respect et la patience sont essentiels: s’il est nécessaire d’expliquer peut-être cinq fois de suite les étapes à réaliser pour un travail à quelqu’un qui a suivi une formation AFP, avec Sina, il faut constamment recommencer. «Cela demande du tact et de la finesse dans les relations au quotidien», explique-t-il, «et il faut vraiment vouloir s’impliquer.»

Au jardin, tout se passe sans problèmes. Depuis un an et demi, Sina Michael travaille en bonne entente avec le paysagiste Patrick Aeschbacher. Il y a peu, cependant, comme il n’y a pas assez de travaux de jardinage en hiver, elle a travaillé en renfort pendant un certain temps dans la blanchisserie de l’entreprise.

Mais là, comme elle en a très vite informé Lorenz Krethlow, la situation est devenue conflictuelle. «Manifestement, Sina a commencé à s’entendre dire qu’elle était «trop lente» et «pas efficace», en bref, tout ce qu’il ne faut surtout pas lui dire», explique-t-il. Il a immédiatement pris les choses en main en cherchant une solution.

De son côté, Patrick Aeschbacher, le paysagiste, n’a pas manqué d’être étonné lorsqu’il a été informé de ces difficultés. Il s’entend très bien avec sa jeune collaboratrice. Pour lui, «Sina exécute son travail avec beaucoup de soin et de minutie, et souvent même mieux que certains jardiniers auxiliaires titulaires d’un certificat professionnel avec lesquels j’ai eu l’occasion de travailler».

«Cela m’arrivait aussi tout le temps, au début. Pour moi, le côté humain est beaucoup plus important.»

En tant que jardinier-paysagiste CFC, il est celui qui assume l’essentiel des responsabilités, et le fait de devoir à chaque fois réexpliquer chaque étape d’une tâche depuis le début ne le gêne pas vraiment. Bien au contraire: lorsque l’on s’implique vraiment, la collaboration devient enrichissante.

Pour lui, le fait qu’au début, Sina laissait traîner ses outils dans le jardin une fois son travail terminé n’était pas si grave. Il explique, en riant: «Cela m’arrivait aussi tout le temps, au début. Pour moi, le côté humain est beaucoup plus important, le fait que tout se passe bien.»

Faire preuve de compréhension

Entretemps, le chef de Sina, Lorenz Krethlow, a trouvé une solution pragmatique au problème: l’arrivée du printemps lui a permis de réaffecter Sina à l’entretien du jardin et des environs. Elle y est à nouveau coachée avec compréhension par Patrick Aeschbacher, qui reste serein et patient face à la logique ou la gestion du temps parfois très personnelles de Sina.

«Je n’aime pas me faire crier dessus.»

Il est convaincu que sa jeune collègue pourrait également réussir un apprentissage avec attestation, maintenant qu’elle a largement comblé son déficit par rapport à la langue.

Et c’est bien ce que Sina Michael espère réaliser, à un moment ou à un autre. Cet été, elle va quitter les jardins d’Ostermundigen pour aller travailler dans une crèche à Thörishaus. «J’ai toujours voulu travailler avec des enfants», explique-t-elle. Il sera possible de décider ensuite, après ce stage de deux ans, si un apprentissage avec attestation fédérale de formation professionnelle est toujours une option.

L’essentiel, pour Sina, est d’être traitée avec respect et sur un pied d’égalité: «Je n’aime pas me faire crier dessus ou manquer de respect.»

C’est en la traitant avec patience et considération qu’on lui permet de développer au mieux ses qualités.

 

 


Photo: Marco Zanoni

 

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