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Le Plan d’action CDPH – Un guide pour une société inclusive

11 mars 2019 / Barbara Lauber / Tschoff Löw
Le Plan d’action CDPH d’INSOS Suisse, de Curaviva Suisse et de Vahs Suisse est un mégaprojet. Il décrit comment les associations et institutions sociales veulent mettre en œuvre la CDPH. Dans notre interview, le directeur d’INSOS, Peter Saxenhofer, explique pourquoi le travail accompli est essentiel, où la Confédération et les cantons sont désormais appelés à agir et pour quelle raison la participation des personnes en situation de handicap est un objectif central.

Le Plan d’action CDPH impressionne: plus de 80 personnes impliquées, 145 mesures et plus de 30 exemples de bonnes pratiques. Un mégaprojet?
Oui, effectivement! Le projet a bénéficié d’une très large assise: nous, les trois associations, avons associé à notre travail les organisations membres, tous les collaborateurs au niveau des sièges, 40 auto-représentantes et auto-représentants ainsi que les organisations de défense des personnes handicapées. La tâche a été immense. Mais cela en valait la peine: le plan d’action expose largement et de façon circonstanciée ce que les associations et les prestataires de services peuvent faire pour contribuer à la mise en œuvre de la CDPH. Avec 35 objectifs et 145 mesures, notre tâche est ambitieuse.

Une tâche démesurément ambitieuse?
Nous ne voulions ni d’un travail précipité ni d’une démarche alibi pour le secteur. Par ailleurs, il était important d’impliquer dans le plan d’action le plus grand nombre d’acteurs possible et d’initier un processus de changement fondamental et durable dans l’esprit des gens. Notre travail autour du plan d’action a permis d’amorcer un changement de paradigme, une autre façon de penser, qui ne se commande pas top-down, mais qui doit se développer progressivement. Dès lors, ce travail sur le plan d’action a constitué un pas important dans la prise de conscience. Les dix-huit mois de travail ont été nécessaires pour que le plan d’action soit non seulement porté mais aussi vécu par nous tous. Et ce n’est pas fini. Mais nous sommes tous ensemble sur la bonne voie.

Nous voulions impliquer le plus grand nombre d’acteurs possible et d’initier un processus de changement fondamental et durable.

Pourquoi la branche des prestataires de services devait-elle assumer ce rôle de pionnier et élaborer un plan d’action national? N’était-ce pas là la tâche des pouvoirs publics et des organisations de personnes handicapées?
Pour nous, il n’était pas question de rester les bras croisés, simplement parce que les autres avancent plus lentement. Dans la mise en œuvre de la CDPH, tous les acteurs sont sollicités, y compris nous, les associations, et les prestataires. Il est nécessaire que notre branche évolue et continue de développer ses offres en collaboration avec les personnes en situation de handicap. Nous avons joué le rôle de pionnier. Désormais, nous espérons voir les autres acteurs agir également et présenter leurs propres plans d’action pour la mise en place de la CDPH. La CDPH ne sera réellement appliquée en Suisse, dans tous les domaines de la vie des personnes handicapées, que si tous, Confédération, cantons, communes, société civile, monde du travail, organisations d’entraide, prestataires de services et personnes en situation de handicap, en assument la responsabilité. En unissant nos forces, nous pouvons changer la société et tendre vers une société inclusive.

La CDPH est en vigueur depuis 2006. La Suisse l’a ratifiée en 2014. Et la branche arrive maintenant, en 2019, avec un plan d’action. Les associations ont-elles traîné?
Non, au contraire: les institutions se sont mises au travail depuis longtemps déjà et ont amélioré et développé leurs prestations. Le recueil d’exemples de bonnes pratiques sur notre site web www.plandaction-cdph.ch l’illustre parfaitement. Ce qui manquait jusque-là, c’est une coordination transversale et une vue d’ensemble. Le plan d’action nous offre désormais la possibilité de promouvoir publiquement les exemples de bonnes pratiques et d’impulser ainsi d’autres exemples à suivre.

Concrètement, qu’est-ce que les personnes concernées retirent du plan d’action?
Le plan d’action vise, notamment, à favoriser l’implication des personnes en situation de handicap dans les institutions sociales. L’implication sous-entend que ces personnes puissent apprendre à former et à défendre leur propre opinion. Le chemin passe par l’implication, mais l’objectif est bien l’autodétermination: les personnes handicapées doivent pouvoir déterminer elles-mêmes comment ou où elles veulent vivre et travailler et à quelles prestations elles veulent recourir. Le plan d’action montre de nombreuses petites mesures pour que la branche puisse y parvenir. Cependant, il serait naïf et illusoire de penser qu’un tel changement de paradigme se fasse d’un jour à l’autre. La mise en œuvre prend du temps, car les cantons, en tant que mandants, doivent aussi se mettre en marche.

Pouvez-vous citer un exemple?
Dans le domaine du logement, le tarif d’hébergement est souvent un obstacle. Certains cantons voient en effet encore le foyer d’hébergement comme un seul grand immeuble avec des places d’hébergement. Pourtant, le besoin de logements individuels avec des prestations ambulatoires décentralisées a augmenté. Mais le plus souvent, le tarif d’hébergement ne s’applique pas ici. Conséquence: les offres ambulatoires décentralisées ne peuvent pas être développées faute de financement suffisant de la part des cantons. Il y a donc dans ce domaine un sérieux besoin d’agir.

L’implication sous-entend que les personnes en situation de handicap puissent apprendre à former et à défendre leur propre opinion.

Et qu’apporte le plan d’action aux institutions?
Nous avons formulé un grand nombre de recommandations à l’intention des institutions. Elles décrivent comment la CDPH peut être mise en œuvre dans les institutions sociales. Dans la mesure où ces institutions ne sont pas toutes au même stade de la mise en œuvre, les recommandations permettent aussi d’intervenir à différents niveaux et donnent des impulsions importantes.

Comment les associations ont-elles assuré que les auto-représentantes et auto-représentants puissent réellement s’impliquer?
Pour nous, il était d’emblée évident que nous ne voulions ni ne pouvions parler des personnes en situation de handicap sans les auto-représentantes et auto-représentants. Nous avons cherché – et trouvé – quarante auto-représentantes et auto-représentants pour la Commission Inclusion. Ils avaient pour mission, dans le cadre de workshops, de poser un regard critique sur notre travail. Dans ces workshops, nous avons pu compter sur des assistantes et assistants aguerris ainsi que sur des auto-représentantes et auto-représentants engagés. Leurs réflexions et leurs remarques ont été intégrées au plan d’action, tout comme leurs quarante doléances, qui ne sont cependant pas toutes de notre ressort. Ainsi, la Commission Inclusion a par exemple demandé que le matériel de votation soit traduit en Facile à lire. Si nous, associations, avons peu de pouvoir dans ce domaine, nous pouvons en revanche contribuer à une autre requête qui demande le développement de prestations. À la fin du projet, la Commission Inclusion a conclu que le plan d’action allait dans la bonne direction. C’est une déclaration importante.

Comment avez-vous procédé pour appréhender le plan d’action d’un point de vue critique?
Nous avons mené une consultation sur le plan d’action auprès des organisations de défense des personnes handicapées. Et nous savons qu’elles ne sont pas toujours tendres à l’égard des institutions. Mais nous voulions délibérément nous confronter aux remarques critiques des organisations de personnes handicapées. Et elles l’ont pris de façon positive. Elles ont salué le fait que nous avons agi et élaboré un plan d’action. Nous avons apprécié cet échange. Et il ne doit pas rester un événement isolé: de façon générale, nous sommes très intéressés à un échange plus soutenu, car nous ne pourrons pas mettre en œuvre la CDPH tout seuls. Pendant longtemps, l’image que les organisations ont des «homes» était très négative. Nous espérons que ces échanges pourront leur donner une image plus nuancée de la branche.

Quels sont maintenant les plus grands enjeux pour les institutions sociales?
Les conditions cadres doivent être ajustées à l’avenir. La Confédération et les cantons qui confient un contrat de prestations doivent assouplir leurs dispositions trop rigoureuses pour permettre la diversité des formes de prestations. Ils doivent aussi apprendre à coopérer et à développer des concepts en collaboration avec les personnes handicapées et les prestataires de services. Ce qui importe à l’avenir, ce n’est pas simplement de mettre des offres à disposition des personnes en situation de handicap, mais qu’elles puissent participer à la conception des prestations et décider librement lesquelles elles veulent utiliser. En d’autres termes, nous devons nous défaire de l’orientation produits et privilégier dans notre travail l’orientation clients, c’est-à-dire demander aux personnes ce qu’elles veulent et parler avec elles.

La Confédération et les cantons doivent assouplir leurs dispositions trop rigoureuses pour permettre la diversité des formes de prestations.

Le plan d’action est publié. Et maintenant? Va-t-il être remisé au fond d’un tiroir?
Nous nous garderons bien de ranger le plan d’action dans un tiroir! Nous avons lancé la machine et rien ne pourra plus l’arrêter. Le processus que nous avons amorcé a déjà déclenché beaucoup de choses et continue de déployer ses effets. Actuellement, les associations collaborent à divers projets de mise en œuvre, mais elles exécutent aussi elles-mêmes les différentes mesures. Pour ne pas finir dans la confusion, nous procédons périodiquement à un monitorage de la mise en œuvre du plan d’action. Nous tirerons un bilan dans cinq ans et examinerons tout ce qui a été fait et ce qui restera à faire.

Plus d’infos

Relisez l’essence de cette interview en images. La facilitatrice visuelle Simone Fass a résumé cette interview en images. A découvrir dans le nouveau magazine INSOS.
Ce numéro a pour point fort le Plan d’action. Vous pouvez commander des exemplaires papier sur notre page Magazine INSOS.

Le plan d'action CDPH est disponible


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Photo: Matthias Luggen

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