INCLUSION PROFESSIONNELLE | Réinventer l'assistance

30 juillet 2022 / Rainer Hartmann
Avec le renforcement de l’autodétermination des personnes en situation de handicap, les institutions vont devoir adapter leurs concepts. À Domino, nous avons commencé. Et avons créé un concept novateur d’assistance. Nous avons choisi le mot assistance en référence au budget d’assistance qui promeut l’autodétermination des personnes. Avec quatre de mes collègues, je vous explique cette notion et ce qu’elle cache.

La ratification de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et l’évolution des compétences spécialisées obligent les institutions à agir.

Au nombre des principes fondamentaux à prendre en considération figurent le renforcement de l’autodétermination et la liberté de choix. Dans notre fondation Domino, nous avons concrètement initié le processus devant mener à repenser ce concept, à l’occasion d’une journée stratégique organisée en 2016.

Dans un premier temps, nous avons élaboré un rapport stratégique passant en revue des développements comme la notion d’assistance, la CDPH, l’orientation dans l’environnement social et le financement axé sur la personne. Et nous avons formulé une vision et esquissé des possibilités de mise en œuvre.

Une notion à réinventer

Deux ans plus tard, en 2018, les responsables ont décidé d’introduire la notion d’assistance comme concept directeur et d’accorder ainsi une importance centrale à cette approche.

Un groupe de travail composé de collaboratrices et collaborateurs occupant différentes fonctions s’est ensuite vu confier la mission de développer un concept. Sa tâche consistait à retravailler, voire complètement réinventer, le concept socioprofessionnel existant et, parallèlement, également le processus annuel et les instruments s’y rapportant.

Au cours de ce processus, des enquêtes internes ont été réalisées à plusieurs reprises et, en dernier lieu, une large consultation auprès de toutes les personnes impliquées d’une manière ou d’une autre. Elle s’adressait aux personnes concernées directement, mais également aux collaboratrices et collaborateurs des ateliers de la fondation ainsi qu’aux résident·es, aux personnes nouvellement «chargées de missions d’assistance», aux représentantes et représentants légaux et proches, ainsi qu’à une sélection de professionnel·les et d’associations.

Les réponses obtenues ont toujours apporté d’importantes suggestions d’amélioration, mais ont également confirmé le cap.

Supprimer les concepts paternalistes

L’attitude envers les personnes en situation de handicap a commencé à évoluer de manière marquée au cours du 19me siècle. On a remplacé la notion de «prise en charge» par celle d’«accompagnement».

La CDPH rend désormais nécessaire un développement supplémentaire: les concepts paternalistes («Les professionnel·les savent ce qui est bon et adapté pour une personne») ne sont plus de mise. Notre fondation a ainsi cessé d’utiliser depuis huit ans l’expression «structures de type familial», trop connotée et renvoyant à une association problématique avec la relation inégalitaire entre parents et enfants.

«Le terme assistance fait référence à un service apporté à une personne pouvant organiser sa vie avec un maximum d’autonomie.»

Le langage est le reflet d’une manière de se comporter et influence la manière de penser. Raison pour laquelle nous avons considéré que réviser les termes utilisés constituait un point central. Nous tenions également à ce que les personnes directement concernées nous indiquent les termes qui leur convenaient le mieux. La majorité d’entre elles s’est ainsi, par exemple, prononcée en faveur de l’abandon du terme «handicap».

Nous avons délibérément opté pour le terme «assistance» comme concept directeur, car il reflète une attitude bien précise. Il fait référence à un service apporté à une personne pouvant organiser sa vie avec un maximum d’autonomie.

Nous avons, d’un côté, parfaitement compris les réflexions critiques reçues de quelques professionnel·les, pour qui le terme «assistance» est déjà lié à des modèles d’accompagnement destinés à des personnes vivant de manière autonome. Mais d’un autre côté, nous avons aussi la conviction que l’approche sur laquelle cette notion met tout particulièrement l’accent ne doit pas être liée à la forme d’habitat, quelle qu’elle soit. Il s’agit ici de revendiquer un retournement de hiérarchie, le droit à l’autodétermination, une définition individuelle de ce que doit être la qualité de vie et la prise de décision.

«Les adultes vivant au sein de communautés d’habitation relevant d’une fondation reçoivent bien de l’aide, une assistance, et ne sont pas «accompagnés.»

L’accompagnement personnalisé tel que le prévoit par exemple la contribution d’assistance de l’AI s’en différencie, il est vrai, sur un certain nombre de points, mais les adultes vivant au sein de communautés d’habitation relevant d’une fondation reçoivent bien de l’aide, une assistance, et ne sont pas «accompagnés».

Conclusion d’une convention d’assistance

Ce nouveau concept d’assistance que nous avons développé contribue à renforcer la transparence et l’inclusion: rédigé dans une langue qui doit rester la plus simple possible, ce concept sera dorénavant remis à toutes les personnes intéressées. Les rapports et les procès-verbaux continueront à être également transmis aux personnes directement concernées et aux représentantes et représentants légaux.

Les documents sont élaborés dans le cadre d’un dialogue personnalisé. Ce concept définit les droits découlant de l’autodétermination et de la participation pour l’ensemble des offres, de manière à préciser exactement le contenu du contrat. Ainsi par exemple, le concept décrit en détail la procédure relative aux chambres disponibles en communauté d’habitation, dans laquelle la codécision n’est de fait que partiellement possible dans le milieu institutionnel.

«Ce nouveau concept d’assistance contribue à renforcer la transparence et l’inclusion.»

Le processus annuel donne comme auparavant lieu à une enquête de satisfaction indépendante, réalisée auprès des personnes concernées et suivie d’un entretien annuel au cours duquel le rapport d’assistance et, désormais, la convention d’assistance font l’objet d’une discussion.

Dans la mesure où ces instruments doivent fonctionner pour des personnes très différentes, des directives relatives à leur utilisation ont également été intégrées au concept, par exemple en ce qui concerne la communication assistée ou les décisions prises par procuration.

Premiers retours d’expérience

La formation au nouveau concept, qui a bénéficié d’un accueil extrêmement favorable, a été introduite au printemps 2021 sous forme de vidéo, en raison de la pandémie, accompagnée d’un manuel pratique à utiliser de manière individuelle. Elle aborde également des thématiques comme les formulations, la conception des rôles et la manière de gérer souhaits et objectifs. La formation a comme effet secondaire positif que les nouveaux arrivants peuvent la suivre en temps réel et avec le même niveau de qualité.

Le processus a été lancé en septembre 2021 et des échanges de vue en présentiel ont été organisés en petits groupes à cet effet.

Les premiers retours d’expérience montrent que ce sont des outils que l’on peut également utiliser dans la pratique et qu’ils sont très bien accueillis.

Par exemple, une collaboratrice du département Logistique a ainsi reconnu: «Je trouve tout ça très bien. J’apprécie d’avoir mon mot à dire.» Les parents et les curateurs d’un collaborateur ont exprimé leurs remerciements pour la mise sur pied de la convention d’assistance pour le domaine Travail et la trouvent très bien rédigée. Un collaborateur du secteur Mécanique a qualifié en ces termes cette adaptation: «excellente et attendue depuis longtemps». Puis il a ajouté: «Je me sens mal et discriminé lorsqu’on me parle de handicap.» Une collaboratrice du département Arts et métiers a particulièrement apprécié «la disparition du terme ‹accompagnement›, tandis qu’une résidente a écrit: «J’apprécie de pouvoir donner des missions d’assistance.»

Les nouveaux processus sont également faciles à mettre en place pour les chargé·es de missions d’assistance.

Un processus qui en vaut la peine

Pour l’élaboration du nouveau concept, nous avons opté pour des échanges intenses, avec les efforts que cela impliquait. En plus des séances de groupe thématiques, au nombre de plus de 25, tous les membres impliqués ont développé d’innombrables ébauches de projet, réalisé des essais et mené des enquêtes.

«Nous sommes fiers et fières du résultat obtenu, des débats à la fois intenses et passionnés, ainsi que des réactions positives que nous avons reçues.»

Le fait que l’une des membres ait pu disposer de temps spécialement attribué en tant que collaboratrice du projet s’est révélé très utile puisque cela lui a permis de prendre en charge la majeure partie de l’élaboration des outils.

Nous sommes fiers et fières du résultat obtenu, des débats à la fois intenses et passionnés, ainsi que des réactions positives que nous avons reçues. La conception que nous avons pu dégager de ce qui n’était jusqu’à présent qu’un concept socioprofessionnel s’intègre dans une évolution précieuse.

Nous avons conscience du fait que de nombreux approfondissements et d’autres échanges de réflexions seront encore nécessaires, notamment en ce qui concerne la question complexe de l’autodétermination pour les personnes avec de sévères limitations cognitives et de communication, et de la façon de traduire tout cela au niveau de l’approche et de l’interaction. Nous nous réjouissons par avance du chemin qu’il nous reste encore à parcourir

 

Notre auteur invité

Rainer Hartmann est le directeur de la fondation Domino. Il a rédigé cet article avec les autres membres du groupe de travail, soit: Rahel Schmid, Sandra Egli, Peter Keller et Raphael Inderkum.

 

Infos sur la fondation et la convention d'assistance

La fondation Domino est une fondation de droit privé basée à Hausen en Argovie. Elle s’engage aux côtés des personnes avec besoins d’assistance pour leur assurer une meilleure qualité de vie et une plus grande intégration sociale. Elle propose des offres de travail et des solutions de logement à environ 200 personnes sur ses trois sites de Hausen, Windisch et Brugg.
Le site de la fondation Domino (en allemand)

La convention d'assistance: dans les différents domaines de la vie, les principales prestations d’assistance sont convenues en commun, tant pour ce qui concerne le domaine du travail que celui de l’habitat. Ce point est l’un des aspects essentiels du nouveau concept: l’institution ne décide plus unilatéralement et de son seul point de vue des prestations qu’elle fournit, ni ne se voit déléguer par principe la responsabilité ou la prise en soins de manière globale. Il y a désormais discussion et accord entre pairs et sur un pied d’égalité. Ce qui permet également de clarifier mission et attentes mutuelles.
Pour chaque domaine, la forme d’assistance est choisie et graduée de manière graphique (en partant de «aucune assistance» jusqu’à «action entièrement prise en charge»). L’intensité est par ailleurs indiquée sur la feuille de graphique sous forme d’abréviations, sur le modèle de la documentation destinée au canton (BIA). La convention d’assistance est ainsi, à cet égard, à la fois congruente et utile et évite un travail de documentation supplémentaire.
Infos sur la convention (en allemand)

Votre commentaire