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INCLUSION PROFESSIONNELLE | La confiance favorise l’estime de soi

30 juillet 2022 / Monika Bachmann
Au sein de l’EMS Wendelin, collaborateurs et collaboratrices en situation de handicap ou non se côtoient depuis 35 ans. Cette politique du personnel fait le bonheur de toutes les personnes concernées. Et met en lumière le considérable potentiel inclusif que recèlent les établissements de soins.

Les couloirs étroits du sous-sol du home médicalisé Wendelin ont un petit air de labyrinthe. Il faut connaître les lieux pour prendre les bonnes bifurcations. Kathrin Fuchs traverse le corridor d’un pas décidé pour gagner son poste de travail. Elle entre dans la blanchisserie, où les nombreux vêtements colorés des résident·es contribuent à créer une ambiance chaleureuse, tout comme d’ailleurs la gentillesse de ses collègues de travail.

À 62 ans, elle fait partie depuis trois ans et demi de l’équipe en charge de l’intendance. «J’ai de la chance de pouvoir travailler ici», dit-elle. Ses responsabilités diffèrent d’un jour à l’autre, mais sont planifiées de manière fixe: le lundi, elle nettoie les caissons dans lesquels est transporté le linge à laver; le mardi, elle passe l’aspirateur dans les couloirs du sous-sol – et ainsi de suite. Parmi ces tâches, celle qu’elle préfère est de trier le linge professionnel du personnel soignant.

Ces vêtements éveillent chez elles des souvenirs et des émotions. «J’ai une formation d’aide-soignante», précise-t-elle. Elle a occupé cette fonction pendant 24 ans dans un home médicalisé. Jusqu’au jour où, soudain, elle n’a plus été en mesure de le faire.

Le Wendelin, comme on appelle familièrement cet EMS de Riehen du canton de Bâle-Ville, compte en ce moment huit collaborateurs et collaboratrices ne disposant pas d’une capacité de travail totale. «Ces personnes sont en situation de handicap psychique ou mental et ne sont donc pas à même de travailler à 100%», précise Anita Achermann, cheffe intendante.

Les collaboratrices et collaborateurs concernés perçoivent une rente entière ou une rente partielle de l’assurance-invalidité (AI) en complément du revenu de leur activité professionnelle.

Le travail et l’équipe sont importants

Kathrin Fuchs est l’une d’entre eux. Lorsqu’elle a dû quitter son univers professionnel, après des années d’activité, elle a longtemps été en situation d’incapacité de travail. Jusqu’à ce que l’AI la mette en contact avec l’organisation bâloise «Kiebitz», qui aide les personnes à se réinsérer professionnellement.

Elle y a suivi une formation en blanchisserie et s’est découvert une passion pour le repassage. «J’ai tout de suite su que c’était ce que je voulais faire!», dit-elle. Et puis, un jour, elle a frappé à la porte du home Wendelin. Anita Achermann s’en souvient très bien et est heureuse que la collaboration se passe de manière aussi positive. Ce qui, selon elle, n’a absolument rien d’étonnant. «Cela fait 35 ans que nous employons des personnes en situation de handicap chez nous.» Une expérience globalement tout à fait positive.

Sandra Fischer va bientôt fêter ses 50 ans. Elle a occupé divers postes au sein du Wendelin au cours des 30 dernières années. Cette femme à la chevelure rousse nous explique qu’elle travaille en temps qu’intérimaire. «Je fais partie de l’équipe de nettoyage et j’interviens partout». Du premier au quatrième étage, sans compter les bureaux des postes infirmiers, qui doivent également être nettoyés.

Elle apprécie tout particulièrement les contacts avec les résident·es. Elle donne aussi parfois un coup de main pour le service du petit-déjeuner. Elle précise: «Quand il m’arrive d’oublier ce que les gens aiment manger, ils n’hésitent pas à me le rappeler». Sandra Fischer a fréquenté une école spécialisée en raison d'un handicap mental et a ensuite suivi une formation en économie domestique au sein de la même institution.

Son diplôme en poche, elle a tout de suite trouvé un emploi à l’EMS Wendelin. C’était en 1992. Elle touche une rente AI et des prestations complémentaires, ainsi qu’une modeste indemnité pour perte de gain. «Mon travail et l’équipe comptent beaucoup pour moi», précise-t-elle. Avant d’ajouter: «Mais quand je suis fatiguée, je me réjouis aussi de voir arriver la fin de la journée.»

Les procédures de travail sont idéales

On peut considérer que l’inclusion dans le monde du travail est réussie lorsque collaboratrices et collaborateurs forment une équipe où tout le monde est sur un pied d’égalité, même si chaque personne a un autre vécu et une situation de vie différente. Au Wendelin, ce processus est déjà très avancé.

À la question de savoir quel est le terme adéquat pour désigner les emplois occupés par des personnes en situation de handicap, la réponse va de soi: «Ce sont des places de travail», explique simplement Regula Kunz, à la tête du département Administration et RH. «Chez nous, il n’y a pas d’autre terme.» Elle précise également qu’en plus des employé·es qui sont des bénéficiaires AI, d’autres personnes travaillant dans l’établissement auraient beaucoup de mal à trouver un emploi sur le marché primaire du travail.

L’approche du Wendelin à cet égard relève d’une part de la tradition, dans la mesure où les membres de la direction sont sensibles à cette cause et font preuve d’un grand engagement en la matière. Et, d’autre part, du fait que, pour Regula Kunz, un home médicalisé, en raison de ses procédures de travail, offre des conditions idéales pour l’intégration professionnelle.

Certificat «Marché du travail pour toutes et tous»

L’EMS s’est vu décerner en 2019 le label «iPunk» pour son engagement. Cette distinction récompense les entreprises qui prennent en compte les capacités de la part active de la population en situation de handicap au travers de l’aménagement de l’espace de travail, afin qu’ils et elles aient également la possibilité de mettre en valeur leur potentiel en tant que professionnel·les.

Le label est décerné par l’organisation «Impuls», qui s’engage «pour un marché du travail pour toutes et tous». Selon les organisateurs, ce certificat est un instrument unique pour communiquer sur la responsabilité sociale de l’entreprise – en anglais, la Corporate Social Responsibility – et permet d’en renforcer l’image de marque.
Il équivaut à une valorisation et récompense le surcroît de travail qu’une organisation doit fournir pour inclure des personnes ayant une capacité de travail réduite. Pour que la collaboration fonctionne sans problèmes au quotidien, il faut une planification particulièrement bien pensée.

Ainsi, au Wendelin, les collaborateurs et collaboratrices comme Kathrin Fuchs et Sandra Fischer ont toujours un·e collègue de l’équipe pour les accompagner. «Ils·elles ne font jamais leur service en solo», explique Rahel Reber, cheffe intendante adjointe, qui est également responsable de la blanchisserie.

Le travail de routine est parfaitement adapté

Chaque matin, quand Kathrin Fuchs accomplit sa mission, elle sait que Rahel Reber ou quelqu’un de l’équipe de la blanchisserie est à proximité. Comme elle le fait remarquer: «Je peux poser des questions à tout moment».

Cela reste rare. Comme le confirme Rahel Reber: «Kathrin est précise et très fiable». Il peut cependant parfois arriver que de nouveaux appareils ou de nouvelles tâches viennent bousculer les habitudes. Ce qui semble constituer un élément susceptible de générer du stress supplémentaire pour les personnes ayant une capacité de travail réduite. Même après 30 ans, Sandra Fischer a toujours du mal à gérer les changements pouvant survenir au niveau des tâches de nettoyage. «Alors je dois demander», explique-t-elle.

C’est pourquoi les collaboratrices et collaborateurs moins productifs sont en général affectés à des tâches de routine, comme celles que l’on trouve dans l’intendance. Ce qui est tout à fait le contraire dans le domaine des soins infirmiers, où une plus grande flexibilité est requise: «Je me sentirais à nouveau dépassée par ce travail», remarque Kathrin Fuchs en faisant référence à son ancien métier d’aide-soignante.

Toutes et tous partagent la même philosophie

Dans ce contexte, le rôle joué par l’équipe est particulièrement important. C’est pourquoi on attire l’attention, dans les entretiens d’embauche, sur le fait que l’établissement emploie des personnes ayant une capacité de travail réduite.

«Pour travailler ici, il est indispensable de partager notre philosophie», insiste la responsable RH, Regula Kunz. Ce modèle ne peut fonctionner de manière optimale que s’il est porté par toutes et tous. Les absences de dernière minute doivent être compensées par l’équipe. Par ailleurs, au quotidien, on attache beaucoup d’importance à bien communiquer, car travailler en collaboration engendre parfois des conflits.

Ainsi, par exemple, lorsqu’un pullover appartenant à un résident se retrouve dans le linge à laver, il faut pouvoir l’expliquer, y compris aux proches, précise Anita Achermann. Elle est en poste au Wendelin depuis 23 ans et a pu, au cours des années, donner la possibilité de travailler à de nombreuses personnes, en les intégrant dans son équipe.
Ce qui lui a permis d’observer des évolutions impressionnantes. «Souvent, ces personnes gagnent de l’assurance en très peu de temps, simplement du fait de pouvoir exercer une activité qui a du sens», résume-t-elle.

Encourager sans préjugés

Mis à part l’intendance, Wendelin compte d’autres domaines d’activité, dans les services techniques ou à la cuisine, par exemple, disposant de places de travail pour des personnes ayant une capacité de travail réduite. Au sein de l’établissement, l’inclusion est définie au sens large. Celui-ci n’emploie pas uniquement des personnes placées par le biais de services externes, mais propose aussi des offres à l’intention des internes, qui se font embaucher dans le home médicalisé, par exemple dans le cadre de mesures AI de maintien en emploi.

Les responsables accordent une attention toute particulière à l’intégration des jeunes adultes. Comme le précise Anita Achermann, les personnes qui travaillent avec plaisir, intérêt et en y apportant la motivation nécessaire, ont la possibilité de suivre une formation. «C’est incroyable ce que l’on peut obtenir des jeunes quand on leur témoigne un réel intérêt, dénué de tout préjugé, et quand on leur accorde sa confiance.»

 

 

EMS Wendelin

L’EMS Wendelin à Riehen peut accueillir 84 résident·es. Cette offre est complétée par une structure de jour de 20 places et par une table d’hôtes ouverte à midi. L’établissement emploie 150 collaborateurs et collaboratrices et est soutenu par une fondation œcuménique.   
www.aph-wendelin.ch

 

 

Photo: Marco Zanoni

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