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CORONAVIRUS | Garder le contact - Partie 2

08 juin 2020 / France Santi
Le confinement a chamboulé nos manières de communiquer et les liens avec l'extérieur. Comment les institutions de personnes en situation de handicap ont su garder le contact? Voici 3 nouveaux retours sur expérience.
  1. DES IPADS POUR TOUTES ET TOUS
    Témoignage de Stéphane Delgrande, directeur des services socio-éducatifs des EPI.
  2. DE LA CORDIALITÉ ET DES JEUX
    Témoignage d'Emmanuelle Raths, responsable du «help desk» au service informatique et membre du bureau de la commission des délégué·e·s de Foyer-Handicap
  3. UN FIL DE SOLIDARITÉ ET DES VIDÉOS
    Témoignage de Mireille Scholder, directrice de la Fondation de Vernand.
 

Des iPads pour toutes et tous

Stéphane Delgrande –EPI

Les EPI (Établissements publics pour l’intégration) de Genève accueillent plus de 2’000 personnes en situation de handicap ou en difficulté d’insertion sociale et professionnelle. L’institution a misé sur les tablettes pour permettre l’interaction, comme l’explique Stéphane Delgrande, directeur des services socio-éducatifs.

 

 

Activités


«Entre le 16 mars, début du confinement, et le 20 mars, nous avons acquis 20 tablettes pour équiper tous nos lieux de vie. Certaines équipes qui travaillent avec des résidents sourds ou autistes en avaient déjà, mais avec cette acquisition, nous avons pu proposer 1 tablette pour 15 résidents.


Ces tablettes ont pu être utilisées pour diverses raisons. En priorité, pour permettre aux résidents de garder le contact avec leur famille par visioconférence, mais aussi pour permettre aux équipes de trouver et suivre des activités en ligne, que ce soit de la danse, de la relaxation ou des tutoriels de cuisine. Nous les avons aussi utilisées pour permettre aux résidents d’envoyer des cartes postales numériques à leur famille et à des amis et collègues. Nous avons aussi essayé de les utiliser pour assurer la continuité du suivi thérapeutique de certains de nos résidents.»

Résultats


«Dans l’ensemble, cela a très bien fonctionné. Habitués ou non à ces outils numériques, nos résidents ont, dans leur grande majorité, eu du plaisir à communiquer par visioconférence. Pour certains, qui ont leur famille très loin, cela a même permis d’augmenter le contact. Au lieu de se voir une fois tous les deux mois, ils ont pu échanger un moment chaque semaine. L’envoi de cartes postales numériques a été particulièrement apprécié. Avec cette application, les résidents sont restés en contact avec, par exemple, des collègues d’atelier. 


Ces outils sont indéniablement un plus. Même s’il y a des limites. Par exemple, pour certaines personnes autistes ou avec des troubles psychiques, la visioconférence a été source d’incompréhension ou s’est révélée anxiogène. Pour elles, nous avons dû revenir au téléphone. Pour le suivi thérapeutique aussi, nous avons vu les limites de la visioconférence. Il a été difficile pour les gens de parler de choses personnelles via une machine.»

Suite


«Nous allons continuer à utiliser ces tablettes pour augmenter les contacts. Dans certaines situations, elles aideront, par exemple, à ritualiser des visioconférences d’une heure par semaine avec les proches. Nous voulons aussi les utiliser pour diffuser nos informations en langage facile à lire et à comprendre(FALC). Par exemple, pour expliquer les gestes barrières qu’il faut continuer à avoir.

Nous imaginons aussi de nouvelles utilisations. Avec ASA Handicap mental, nous avons abordé la possibilité de développer l’accès à des supports numériques de formation. Une sorte d’e-learning adapté.»

 

 

De la cordialité et des jeux

Emmanuelle Raths – Foyer-Handicap

La Fondation Foyer-Handicap est spécialisée dans la prise en charge du handicap, essentiellement physique. Après le directeur général, c’est au tour d’Emmanuelle Raths de nous parler de son expérience. Responsable du «help desk» au service informatique et membre du bureau de la commission des délégué·e·s, elle nous raconte que l’isolement a rendu les échanges encore plus cordiaux.

Activités


«La semaine qui a précédé la fermeture, nous avons décidé de faire un essai. J’ai pris un ordinateur portable à la maison et j’ai fait un jour de télétravail. C’était pour se préparer à une possible fermeture. Pour tester si cela pouvait bien fonctionner. C’était le 13 mars. Et finalement, je ne suis plus revenue au bureau. Tout s’est passé très vite.

Ce qui devait être un essai est devenu du permanent. J’ai donc travaillé depuis la maison, coordonné le travail avec mes collègues via Teams et participé aux séances avec les autres membres de la commission des délégués en visioconférence. Par ailleurs, nous avons créé un groupe Messenger pour rester en contact et communiquer quotidiennement avec tous nos collègues.»

Résultats


«Il y a des avantages et des désavantages. Ce qui est bien, c’est le matin. Le rythme est plus cool et il n’y a pas le stress des déplacements. Ce qui est moins bien, c’est l’ergonomie de mon poste de travail. À la maison, je travaille avec un PC portable sur ma table de cuisine. Au travail, j’ai un ordinateur avec double écran. Et puis, à la maison, j’ai un collègue particulièrement communicatif: mon chat! Et effectivement, il aime bien venir manifester et montrer qu’il est là, notamment durant les visioconférences.

Cette période apporte aussi du positif: on a découvert une autre manière de communiquer entre collègues et avec la direction. Tout à coup, on avait besoin de plus d’échanges, de prendre des nouvelles, de voir les autres. Les échanges entre collègues sont cordiaux tout au long de l’année, mais là, ça l’était encore plus. On est content de se voir et on se le dit. Nous avons créé des groupes de discussion. Cela nous est aussi arrivé de nous brancher sur Teams pour manger ensemble. Et puis j’ai découvert que certaines collègues adoraient jouer au Cluedo, comme moi. Du coup, nous avons commencé à jouer ensemble depuis nos smartphones et en visioconférence.

Pour le groupe des délégués, la visioconférence a été une grande découverte. Ce n’est pas toujours facile de trouver un temps et un lieu pour nos réunions. Surtout pour les personnes qui ont des difficultés pour se déplacer et qui doivent faire appel à Transport handicap. La visioconférence nous facilite le travail. Et puis moi, j’aime aussi ce mode de communication, parce que je peux voir tout le monde. Dans une salle autour d’une table, on ne voit jamais tous les visages. Avec la visioconférence, je vois chaque visage et les réactions de chacun.»

Suite


«Toutes ces nouvelles façons de communiquer vont venir compléter les anciennes. En tout cas pour le bureau et la commission des délégués, nous allons garder la visioconférence. Pour avoir des échanges plus réguliers.

Pour mon travail, j’ai envie de retourner au bureau. Mais là aussi, nous allons regarder. Peut-être que je continuerai à travailler de temps en temps à la maison. Ça ouvre des possibilités et de nouvelles opportunités!»

 

Un fil de solidarité et des vidéos

Mireille Scholder – Fondation de Vernand

La Fondation de Vernand accompagne plus de 600 enfants et adultes présentant une déficience intellectuelle, des troubles envahissants du développement, des troubles du spectre de l’autisme. La crise du COVID-19 a demandé de repenser la communication et les animations, souligne Mireille Scholder, directrice de la Fondation de Vernand.

Activités

«Avec le semi-confinement, un de nos objectifs était de maintenir le lien avec les collaborateurs, entre les équipes et entre les résidents et les familles, ainsi qu’avec les travailleurs externes, à domicile suite à la fermeture des ateliers. Pour permettre aux résidents de maintenir le lien avec leurs proches, nous avons misé sur les visioconférences et sur le téléphone. Pour les visioconférences, nous avions déjà les outils, puisque nous disposons d’une tablette par lieu de vie. Sans compter que certains des résidents et travailleurs ont des smartphones et les utilisent déjà pour communiquer.

Il était important pour nous de montrer que la vie continue à la Fondation. Pour cela, nous avons posté chaque semaine des vidéos sur Facebook. Ces vidéos, appelées «Coucou de chez nous», racontent en une minute maximum un moment de notre quotidien. C’était important, car ce qui a le plus manqué durant cette période, c’est d’avoir un lien avec des personnes hors de son lieu de vie. Parallèlement, nous avons régulièrement informé les proches avec une newsletter. Et pour les proches qui ne sont pas connectés, nous leur avons téléphoné pour leur en lire le contenu.  

Un des grands challenges a aussi été de recréer de l’événementiel. Nous avons commencé avec un loto en visioconférence. Nous avons aussi lancé un concours de pâtisserie entre les lieux de vie. Pour choisir les lauréats, nous avons organisé une semaine de vote sur Facebook. Après un mois d’activité numérique, nous avons voulu organiser une action plus concrète, ancrée dans le réel. C’est ainsi qu’est né le «Fil de solidarité»: nous avons invité nos collaborateurs et leurs enfants, nos résidents et leur famille à créer une œuvre (dessin, photo, peinture, poème, coloriage…). Nous avons suspendu les œuvres à un fil tendu sous l’abri de la Maison de nos Aînés. Nous avons aussi publié quelques œuvres par semaine sur les réseaux sociaux.»

Résultats

«Chaque vidéo «Coucou de chez nous» a été vue entre 400 et 800 fois, ce qui nous réjouit. Le loto et le concours de pâtisserie ont rencontré un énorme succès. Grâce au «Fil de la solidarité», nous avons réussi à engager concrètement les gens qui sont autour de la Fondation: les participants ont créé quelque chose pour quelqu’un ou pour un groupe de personnes. Et le fait de les suspendre à un fil a rendu cette attention plus réelle: les résidents voyaient le nombre d’œuvres constamment augmenter. Ils voyaient que l’on pensait à eux. Enfin, je dirais que cette crise a aussi montré les ressources de nos résidents qui ont su s’adapter à de nouvelles activités et chercher un nouveau rythme.»

Suite

«Cette crise a peut-être permis d’augmenter les capacités numériques de nos résidents. Je l’espère, car nous misons beaucoup sur la vidéo pour faire passer des messages et des informations.

Nous allons en tout cas continuer nos activités sur les réseaux sociaux. Par exemple, le 8 juin à 14h30, la cellule de crise a clôturé son activité en plantant l’arbre du déconfinement et nous avons montré la cérémonie en live sur notre page Facebook. Cela a permis à celles et ceux qui ne pouvaient pas venir de vivre aussi cet événement.»


Pour en savoir plus:  photos et des témoignages dans le journal «Esprit de Vernand», consacré à la crise du COVID-19.

 




Image principale: iStock/AaronAmat
Portraits: dr

 

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